La question fondamentale de l’ouvrage est la suivante
: « Dans quelle mesure le principe d’une « coopération
internationale », envisagée comme un partenariat concerté de
plusieurs acteurs de la société internationale, peut-il se
substituer (ou s’associer) aujourd’hui à la conception
ancienne et verticale de « l’appui au développement »,
laquelle conception, au regard de son bilan, comporte de
nombreuses limites ?
Cette question me semble importante, au moins à deux titres.
D’une part, elle se présente comme une contribution directe
à l’effort impulsé par les dirigeants gabonais pour faire du
Gabon un pays attractif sur le plan économique. D’autre part,
ce travail se présente comme une réflexion générale sur le
fonctionnement des partenariats internationaux et leur
impact sur la gestion des conflits armés en Afrique.
Avec un certain courage et même une forme d’audace, l’auteur
n’hésite pas à souligner les contradictions d’une diplomatie
européenne qui a longtemps fait passer ses intérêts
économiques avant la survie des populations du Sud. Pour
Aristide EDZEGUE MENDAME, l’aide et la coopération font
partie des jeux d’influence instaurés par les puissances
occidentales pendant la décolonisation. Elles ont perduré
dans un contexte postcolonial fait de liens affectifs et de
dette non soldée. C’est dans ce sens qu’elles ont joué un
rôle central lors de la « guerre froide », comme enjeu de
pouvoir pour les deux parties en présence (occidentale et
soviétique). Mais, si elles ont perdu leur principale
fonction géopolitique lors de la chute du « mur » de Berlin,
elles ont retrouvé depuis une forte légitimité du fait des
nouveaux enjeux liés à la mondialisation.
En effet, dans un contexte de crise généralisée, l’urgence
d’un désendettement accéléré mais maîtrisé des pays pauvres
(PPTE) a conduit à la mise en place de réformes visant à
améliorer l’aide : entre autres le déliement, la
coordination des politiques et l’aide budgétaire, etc. Les
bailleurs occidentaux ont été ainsi conduits à réfléchir sur
les conditionnalités de l’aide en termes de moyens (bonne
gouvernance, avancées démocratiques, droits de l’homme) et
de résultats, et en termes de spécificités (prise en compte
ou non de la fragilité des économies). Ils y étaient
d’autant plus contraints que la mondialisation de l’économie
ouvrait progressivement l’Afrique à de nouveaux acteurs de
la coopération, notamment le Brésil, l’Inde, la Chine, etc.
Toutefois, si l’intervention de ces nouveaux partenaires a
permis de desserrer la contrainte financière et les
conditionnalités, si elle a favorisé l’augmentation des
marges de manœuvre et doper le marché des matières premières,
elle a aussi accru les risques de réendettement et accentué
la faiblesse de la coordination des politiques d’aide. D’où
les nombreuses questions qui s’ensuivent et auxquelles
l’ouvrage tente d’apporter les réponses adéquates.
Ces nouvelles relations remettent-elles en cause les
anciennes pratiques de la coopération des pays de
l’Organisation de développement et de coopération
économiques (OCDE) ? Justifient-elles le retour à une
realpolitik ou reproduisent-elles les anciennes erreurs des
puissances industrielles ? Ces erreurs peuvent-elles être
corrigées ? La question se pose également de savoir si
l’accentuation de la crise mondiale conduira à un retrait ou
à un engagement plus important des puissances émergentes.
Autant de questions qui affirment la très grande valeur de
l’ouvrage.
Ludovic Obiang
(CENAREST, Libreville, Gabon)