Certaines créations formelles nous encouragent à attribuer
du sens aux formes mêmes. D’autres, semble-t-il, résistent à
de telles attributions et privilégient des fonctions non-sémantiques
de la forme, que ces fonctions soient purement génératrices
(la forme comme machine à écrire, ou « vaccin de la page
blanche » selon l’expression de Jacques Jouet),
psychologiques (déjouer l’autocensure), ou sociales (servir
de support à des pratiques partagées). Pour son numéro 20
(2016),Formules souhaiterait
inviter les chercheurs à réfléchir au sémantisme de la
forme. Plus précisément, nous proposons aux contributeurs
les questions suivantes comme points de départ:
— Comment est-ce que les formes peuvent signifier ?
— Les formes signifiantes sont elles forcément mimétiques ?
— Y a-t-il une tension entre la forme comme porteuse de sens
et la forme comme opératrice d’une fonction non-sémantique ?
— Comment est-ce que les fonctions de la forme ont changé au
cours de l’histoire littéraire et culturelle ? Peut-on
parler d’une évolution historique de la forme sémantisée
vers la forme génératrice ?
— Faut-il essayer de tracer des limites aux lectures
symptomatiques ou numérologiques de la forme, ou au
contraire accepter les risques de « dérapage
surinterprétatif » (Claude Burgelin) ?
— Dans la recherche d’un « sens formel » (Jacques Roubaud)
ou d’æncrages (Bernard Magné), quel statut faut-il accorder
aux paratextes ?
— La lecture des formes comme éléments signifiants renforce-t-elle
le statut de l’auteur ? Conduit-elle au biographisme ?
Il s’agira de prendre la mesure de la diversité d’emplois
auxquels se prêtent les formes et les contraintes, et de
voir comment ces emplois s’allient, s’opposent, et
s’organisent, tout en anticipant leur multiplication et
diversification futures.