LA TACHE BLEUE

  ET AUTRES NOUVELLES
 
 

 

                                  PAR

 

    LUDOVIC OBIANG
Professeur, CRES
 

 (Libreville, Gabon)

 

                                                                          

 

 

         POSTFACE

                       par

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     ALAIN SAINT-SAËNS

    Membre Correspondant,
      Académie des Lettres,
              Bahia, Brésil

 

Photo de couverture: Camille Obiang (Studio Pierre Copain, Libreville, Gabon)

SECONDE ÉDITION (EUROPE)

ISBN: 978-9-403645-69-8

 

PREMIÈRE ÉDITION

(USA)

ISBN: 978-1-937030-55-1

 

Présentation de La tache bleue par l'ex Ambassadeur de Cuba au Gabon Sidenio Acosta
       et le Professeur de Littératures Comparées José Antonio Alonso Navarro

                         Présentation de La tache bleue
      par le Professeur d'Histoire et de Littératures Comparées
                       Alain Saint-Saëns le 9 mars 2016


      L'AFRIQUE BLEUE

 

Comme le Paraguayen Rubén Bareiro Saguier, le Polono-Américain Isaac Bashevis Singer ou le Brésilien Aleilton Fonseca, le Gabonais Ludovic Obiang est un conteur-né qui, en un vaste processus d’auto-biofiction, saupoudre dans ses nouvelles au gré de son humeur créatrice des éléments révélateurs de sa propre existence, autant d’indices qui permettent de dessiner en creux, à travers la trame de ses histoires, les contours chatoyants d’une envoûtante Afrique imaginaire chère à son cœur [...].

Peut-on encore ‘rêver à l’aube’ après la mort du poète gabonais assassiné Ndouna-Depenaud ? Ludovic Obiang veut le croire, et son recueil de nouvelles, La tache bleue, est un chant d’amour vibrant à sa patrie, le Gabon meurtri, le Gabon blessé, mais le Gabon debout et bien décidé à le rester. Rejetant l’Afrique noire des colonisateurs et coopérants, l’Afrique verte de l’Islam conquérant, et l’Afrique rouge du sang des victimes de Boko Haram et des Islamistes sanguinaires, Ludovic Obiang défend une Afrique bleue, synthèse heureuse de la tradition orale de ses pères ; de l’œuvre caritative et éducative des Sœurs des Congrégations de Sainte Marie et de l’Immaculée Conception de Castres de son adolescence ; de la musique des rastas héritiers de Bob Marley et de Bunny Wailer ; et du message religieux d’Endong Obame Eya et de ses successeurs, Nzé Jean-Rémy d’abord, dont il retient ‘l’éthique, l’humilité, la justice et l’honnêteté dans la vie’, et surtout Ekong Ngoua, dont il embrasse l’approche mystique. ‘Lui, le penseur par excellence, le poète mystique’ en portrait du père.

    Ludovic Obiang, qui ‘parle aux arbres comme à des vivants’, est arbre parmi les arbres :

‘J’habite à l’ombre d’un grand arbre au seuil d’une secrète forêt. Près du tronc où je m’appuie tout le jour, déborde un bosquet touffu aussi impénétrable que les frondaisons qui le surplombent’.

Il est l’un des arbres fruitiers en fleur du riche verger de la littérature gabonaise, conteur lucide et prolixe de cette terre si fertile en nouvellistes, d’André Raponda-Walker à Rémy Boussengui, en passant par Gisèle Ndong Biyogo et Éric Joël Békalé, et combien d’autres talentueux encore. Gabonais universel, Ludovic Obiang, sculpte, texte après texte, dans l’une de ces essences – okoumé ou kevazingo – qui embaument son grand pays, le portrait édifiant d’un Africain noble et digne, intelligent et sensible, respectueux de la richesse des acquis du passé et ouvert à une modernité maîtrisée et partagée :

‘On m’appelle Ludovic Emane Obiang […] Il m’honore d’être ce Ludovic royal, et si Obiang est mon père, Emane, mon partage indiscutable, héritage d’un chef légendaire, satisfait mon amour propre’.

Ludovic Obiang ou ‘le rêve bleu,/léger, mystérieux,/comme un oiseau’, Ludovic Obiang, ‘tangled up in blue’, comme le chante Bob Dylan qu’il aime à écouter. Puissent les esprits de la forêt équatoriale du Gabon lui permettre longtemps encore de ‘continuer, continuer de voler comme l’oiseau’ :

‘Les soirs d’intense solitude, quand la nuit instaure partout son ordre sévère, il me suffit d’un regard à ces oiseaux pour qu’aussitôt leurs ailes puissantes m’emportent vers ce pays mien’.   

                                                                                                                                                                                      Alain Saint-Saëns

Membre Correspondant

De l’Académie des Lettres,

Bahia, Brésil

 

Extraits de L'Afrique bleue, Postface à La tache bleue et autres nouvelles, pp. 247-306.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                     

Cher Alain Saint-Saëns,
 

Vous me donnez encore l'occasion de relire votre éblouissante postface, 'L'Afrique bleue'. Je me demande vraiment si elle ne va pas finir par concurrencer le texte qu’elle est censée promouvoir, un peu comme la préface de Jean-Paul Sartre à l'Anthologie de Léopold Sedar Senghor ('Orphées noirs'), ou celle d'André Breton au Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire ('Un grand poète noir') ! 

 

Bien à vous,

Ludovic Obiang

 

Courriel de Ludovic Obiang à Alain Saint-Saëns,
le 10 janvier 2016

ALAIN SAINT-SAËNS

Ludovic Obiang en famille
L'Arche d'Angondjé à Libreville au Gabon en 2015.

Ludovic Obiang avec Irène Tassembédo,
chorégraphe du Burkina Faso, au Festival des Francophonies à Limoges en 1999.

 

Et si les forêts profondes du Gabon n'étaient pas que de simples réserves écologiques?
Et si les cultes divers qu'elle abrite, majestueux ou sordides, trouvaient leurs motivations bien loin,
au-delà des sphères que ne peut concevoir l'imagination humaine?
Et si derrière les roueries des politiques, derrière les performances emphatiques des joueurs de harpe et autres musiciens, se profilaient les ombres de civilisations extraterrestres,
conciliant savoirs du Moyen Âge occidental et prouesses technologiques?
Et si, en un mot, l'anathème longtemps lié à la couleur 'noire', n'était que l'indice d'une essence 'bleue'
 qui rattacherait l'Africain à ce que la Création recèle de plus sublime?

 

Ludovic Obiang au Festival des Musiques à Cordes CCF,
Libreville (2006).

Première de la pièce de théâtre de Ludovic Obiang, mise en scène de Michel Ndaot,
Tant que les femmes auront des couilles, CCF, Libreville (2009).

Ludovic Obiang en mission
pour le compte de l'UNESCO.

Ludovic Obiang avec son fils Saint-Dominique
dans une clairière de forêt.

 

          Le  recueil de nouvelles intitulé, La tâche bleue, s’est nourri de mes dernières expériences par-delà «les murs du sommeil». Conformément à mon souci d’établir une cohérence d’ensemble, les dix nouvelles du recueil, même si elles peuvent trahir des inspirations ou des colorations différentes, ont été réunies dans le but de faire corps. Les deux premières («Plus jamais ça», «Signé Chris») avaient été prévues initialement pour le recueil Et si les crocodiles pleuraient pour de vrai, publié en 2006. Elles participent d’un cycle  que j’ai appelé 'Le cycle de l’Arambo', avec les figures centrales de la femme fatale (Noire, les yeux naturellement cernés de noir) et l’Arambo, la rivière qui coule avec à ses bords une profonde végétation de bambous de chine). Mais à l’époque, elles avaient été écartées pour satisfaire aux normes de publication. J’ai donc pris le temps de les relire et de les enrichir en fonction du fil rouge qui établit l’unité du nouveau recueil. Comme je me l’étais imposé dans mes précédents recueils, il s’agit de construire une cohérence d’ensemble par la présence de motifs qui se font écho à travers les textes, créant ainsi l’impression de situations ou de questions similaires abordées selon des points de vue différents, si bien que chaque texte peut représenter une clé pour en comprendre un autre. Si mon premier recueil était basé sur des principes comme la gémellité, la femme fatale, la réincarnation et la réparation (de la  transgression – le secret de famille), La tache bleue reprend certains de ces thèmes, mais les prolonge dans le sens d’une quête, celle d’une alternative au «monde» d’aujourd’hui, alternative qui peut reposer soit sur la construction d’un autre monde, d’une nouvelle Thébaïde («La remontée du fleuve»), soit sur la conquête de l’au-delà, cet Indicible dont il convient maintenant de fixer les contours («La face cachée du joueur de harpe»). 

          Au moment où je composais ce recueil, cette logique d’élévation se concentra en un motif central, le bleu indigo, entendu comme la couleur de l’Esprit (de l’élévation et du sublime) et donc revendication particulière de «l’homme noir» dans sa quête de réhabilitation spirituelle - sans oublier que l’expression «tache bleue» constitue un clin d’œil à la 'tache noire' de L’île au trésor. D’où la nouvelle éponyme «La tâche bleue», que j’ai rédigée à partir d’une histoire vraie, le drame d’un ami camerounais résidant en France, victime d’un licenciement abusif, pour ne pas dire raciste, de la part d'Air France. On y distinguera en filigrane les traces d’une biographie fictionnelle de la romancière et dramaturge Marie Ndiaye, justifiant l’évocation de «trois femmes puissantes», trois grandes figures de la «négritude féminine», parmi lesquelles Ourika, la Sénégalaise, et Sœur Bakhita l’Ougandaise. 

          A moins que le recueil tout entier ne soit qu'un simple prétexte pour rêver à un monde chimérique, où sentiment et chevaleresque auraient encore leur place («Le survivant de Blavis»). N’est-ce pas là en fait l'une des missions régaliennes de la littérature que de nous rattacher à tout ce qui existe de plus noble en nous, par-delà la déliquescence qui affecte notre quotidien («Un arbre en travers de la route», «L’exilé des hautes futaies») ?

Ludovic Obiang
 

Ludovic Obiang avec Amadou Kourouma
à Limoges en 2001.

Ludovic Obiang avec Bruno Tilliette (Revue Noire)
à Limoges au Festival des Francophonies en 1999.

Ludovic Obiang est né en septembre 1965 à Libreville au Gabon. Titulaire d'un DEA de musicologie, d'un Doctorat en Théorie Littéraire de l'Université de Paris-Sorbonne, et d'une Habilitation à diriger des recherches en Sciences du Langage de l'Université de Limoges, il mène de front ses activités de chercheur au CENAREST de Libreville, d'écrivain et de critique dans des revues diverses. En plus de ses nombreux écrits inédits, il a déjà publié deux recueils de nouvelles, L'enfant des Masques (coédition Ndzé/L'Harmattan, 1999) et Si les crocodiles pleuraient pour de vrai (Ed. Ndzé, 2006), une pièce de théâtre, Peronnelle (Ed. Ndzé, 2000) et une nouvelle, 'On a perdu monsieur Paul', parue dans l'ouvrage collectif Amours de Villes. Villes africaines (coédition Dapper/Fest'Africa Editions 2001). Ludovic Obiang a assuré, en collaboration avec l'écrivain français Alain Saint-Saëns, l'édition d'un recueil collectif de nouvelles par des auteurs reconnus des quatre continents, Le dîner des ogres. Contes et nouvelles sanguinaires, publié par les Presses Universitaires du Nouveau Monde en 2016. Sa brillante étude critique sur l'oeuvre poétique de l'auteur gabonais Constant Oyono, Lire Odyssées de Constant Oyono, est parue en 2016. Il a écrit un texte majeur, la Préface du recueil de poèmes d'Alain Saint-Saëns, Un coin de France.