Photo:
Vicente Marsal
Juan Manuel Marcos en
1973 devant l'Université Catholique d'Assomption (Paraguay)
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ISBN:
978-1-937030-50-6
372 pages; 14 photos; bibliographie; index.
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Cristina Boselli et
Alain Saint-Saëns |
Cristina Boselli, Alain
Saint-Saëns, Juan Manuel Marcos et Juan Enrique Fischer |
Alain Saint-Saëns
expliquant l'approche méthodologique
de Paladin de la liberté (décembre 2015) |
Présentation de
Paladin de la liberté en Assomption, Paraguay
(décembre 2015) |
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'Éclatant essai critique, le nouveau livre d’Alain
Saint-Saëns dédié à la poésie de Juan Manuel Marcos, est en même
temps une passionnante incursion dans l’histoire littéraire,
culturelle et politique du Paraguay du XXe siècle.
Grâce à la culture impressionnante, la sensibilité poétique
et le talent certain d’Alain Saint-Saëns, le public de langue
française découvrira non seulement la poésie puissante, noble et
belle de Juan Manuel Marcos, indiscutablement l’une des riches
heures de l’histoire littéraire paraguayenne, mais encore entendra
les propres battements du cœur paraguayen, que seuls les poètes
peuvent capter et transmettre'.
Ilinca Ilian
Professeure de Littératures Latinoaméricaines Université de Timisoara, Roumanie
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Ilinca Ilian |
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'L’étude
magnifique d’Alain Saint-Saëns, historique, littéraire, musicale et
iconographique est appelée à faire date : non seulement elle
illumine et enrichit la lecture d’une œuvre poétique variée et
multiforme, mais elle élève surtout son auteur Juan Manuel Marcos à
sa juste place au panthéon des poètes paraguayens contemporains et
éclaire définitivement le sens de son combat pour la vérité et la
liberté'.
Juan
Enrique Fischer
Professeur d'Histoire
de l'Amérique Latine,
Ancien Élève
de l’École des Sciences Politiques de Paris,
Ex Ambassadeur de l’Uruguay au Paraguay
|
AMBASSADEUR JUAN ENRIQUE FISCHER ET ALAIN SAINT-SAËNS |
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'Alain Saint-Saëns,
faisant preuve d’une maestria déconcertante, jongle avec une
large gamme de sources primaires et secondaires, alliant
textes littéraires variés et articles académiques
spécialisés à l’analyse de correspondances et d’entrevues
menées le plus souvent par lui-même. Une documentation
méticuleusement choisie, des notes de bas de page abondantes
et judicieuses, une bibliographie imposante, confèrent à Paladin de la
liberté
une densité académique rigoureuse et impressionnante.
En même temps, Alain Saint-Saëns sait donner
vie à son étude en y insérant d’émouvants récits des
péripéties de l’action et de la création de Juan Manuel
Marcos et de ses contemporains.
Combinant analyse académique scrupuleuse,
lecture suivie des textes poétiques et recherche
biographique,
le livre magnifique d’Alain
Saint-Saëns devrait plaire à une large palette de lecteurs.
Il
s’annonce d’ores et déjà comme fondamental pour une
meilleure compréhension de la culture paraguayenne en
général, et de la poésie et de la prose de Juan Manuel
Marcos en particulier'.
Dina Odnopozova
Yale University, USA
|
DINA ODNOPOZOVA AVEC ALAIN SAINT-SAËNS |
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'Je tiens à te féliciter, mon cher Alain, pour ce livre
magnifique, une grande interprétation biographique et
poétique, du niveau du
Voyageur immobile
d'Emir Rodríguez Monegal sur Pablo Neruda, et peut-être bien
le meilleur du genre dans toute la littérature paraguayenne.
Nul doute qu'il n'aille servir de modèle et de point de
référence incontournable pour les générations présentes et à
venir, de part la minutie de la recherche, le style
académique impeccable, l'étendue de sa vision tant
esthétique qu'historique, et
l'intense impact émotionnel qui ne peut être comparé qu'à
celui d'un missile Tomahawk [...] Avec l'expression de ma
gratitude la plus profonde'.
Juan Manuel Marcos
Poète, auteur de
Poèmes (1970), La veillée incandescente (1979),
Poèmes et chansons (1987); romancier,auteur de
L'hiver de Gunter
(1987).
|
JUAN MANUEL MARCOS ET ALAIN
SAINT-SAËNS
Sixième Symposium
International de Littérature
(Assomption, Paraguay, 11-13
août 2015) |
|
'Les cinq ‘Élégies à Víctor Jara’, plus qu’un hommage
du poète paraguayen au poète chilien, sont les cinq doigts de la
main gauche de Víctor Jara que le bourreau coupa, et les cinq
‘Chants de Victoire’ de Juan Manuel Marcos sont les cinq doigts de
la main droite de Victor Jara qui furent amputés brutalement'.
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Juan Manuel Marcos nous invite à une lecture du texte
sous le texte qui, loin d’être secondaire, est la clef pour
comprendre son œuvre poétique. Fondamentales, en ce sens, sont deux
de ses poésies : la ‘Deuxième élégie à Víctor Jara’ et la ‘Quatrième
élégie à Víctor Jara’, dans lesquelles Juan Manuel Marcos dialogue
avec Pablo Neruda. Ainsi, quand dans la ‘Deuxième élégie’ Juan
Manuel Marcos déclare : ‘Je m’appelle Víctor Jara’, c’est lui qui
parle – et il faut comprendre : ‘Je m’appelle Juan Manuel Marcos’ –
et en même temps, il faut entendre la voix poétique originale en
fond : ‘Je m’appelle Pablo Neruda’, comme dans le poème de celui-ci,
‘Quartier sans lumière’ :
‘Bonjour, je peux passer ? Je
m’appelle Pablo Neruda. Je suis poète’.
|
|
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JUAN MANUEL MARCOS ET
EMILIO PÉREZ CHAVES AU CONGRÈS JUARISTE DE LA JEUNESSE À MÉXICO, EN 1972. |
JUAN MANUEL MARCOS,
GRETA SON ÉPOUSE ET LEUR FILS SERGIO À PARIS EN 1979. |
|
|
JUAN MANUEL MARCOS À
PUERTO PRESIDENTE STROESSNER, (AUJOURD'HUI CIUDAD DEL ESTE) EN 1969.
|
JUAN MANUEL MARCOS À
STILLWATER AUX USA DURANT LE CONGRÈS SUR JULIO CORTÁZAR EN 1986. |
|
ALAIN SAINT-SAËNS,
Éditeur de la Revue
de Sciences Humaines
Discurso
Literario,
avec JUAN MANUEL
MARCOS,
Fondateur et
Directeur
de la Revue
Discurso Literario depuis 1983,
Sixième Symposium
International de Littérature
(Assomption,
Paraguay, 13 août 2015)
|
ALAIN
SAINT-SAËNS ET JUAN MANUEL MARCOS
HOMMAGE À ALBERT
CAMUS
6 DÉCEMBRE 2013
ASSOMPTION,
PARAGUAY |
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PRÉFACE:
Paladin de la liberté
d’Alain Saint-Saëns:
Les
battements du cœur paraguayen.
Éclatant
essai critique, le nouveau livre d’Alain Saint-Saëns dédié à
la poésie de Juan Manuel Marcos, est en même temps une
passionnante incursion dans l’histoire littéraire,
culturelle et politique du Paraguay du XXe siècle. Le fil
directeur en est la trajectoire lyrique du grand homme de
culture qu’est le Président de l’Université du Nord
d’Assomption, militant téméraire contre l’injustice pendant
les années sous la botte, distingué universitaire en exil et
auteur du roman du Post-boom latino-américain traduit en
plus de trente langues, L’hiver de Gunter. Cependant,
cette lecture pointue et attentive resterait peut-être
confinée au seul cercle des critiques et autres écrivains
paraguayens, si elle ne se doublait d’une capacité
incomparable à dépeindre le monde littéraire et culturel
auquel appartient Juan Manuel Marcos. Les lecteurs
étrangers, auxquels ce livre écrit en français s’adresse en
premier lieu, bénéficieront ainsi d’une captivante
introduction à l’une des cultures les moins connues de
l’Amérique Latine.
Bien que rare, il n’est point singulier que le regard d’un étranger, s’il
est dôté de sensibilité et de talent, arrive à distinguer
plus clairement que les autochtones tant les orientations
majeures que les nuances de la culture de leur pays
d’adoption. Le nouveau venu observe avec plus d’acuité, il
discerne avec moins de préjugés, il capte l’essence sans les
entraves dues aux traditions de tous types. En plus de cela,
Alain Saint-Saëns était peut-être mieux à même de saisir les
grandes lignes de la poésie paraguayenne du XXe siècle du
fait qu’étant poète lui-même, il parle la langue universelle
des poètes, ce qui lui permet de traiter le phénomène
lyrique paraguayen non pas comme une page froide de
l’histoire littéraire nationale mais bien plutôt comme un
vaste champ d’images et de sonorités au retentissement
expressif sur son propre univers créateur.
Organisé en trois parties, le livre s’ouvre d’abord sur une convaincante
analyse de la tradition littéraire qui permet l’apparition
de la génération de Juan Manuel Marcos, dans un pays où
l’expression poétique sous sa forme la plus simple a surgi
plus tard qu’ailleurs. Selon Juan Manuel Marcos, l’on ne
peut parler de véritable poésie paraguayenne qu’à partir des
années 1940. Hérib Campos Cervera d’abord, puis Elvio Romero
et José María Gómez Sanjurjo sont les grandes figures de ce
courant fondateur influencé par les poètes espagnols de la
fameuse Génération de 27. Il préfigure déjà, notamment avec
la poésie d’Elvio Romero, un trait particulier de la poésie
paraguayenne ultérieure, à savoir son profond engagement
social. Il est remarquable que dans ce pays qui au cours du
XXe siècle a connu la dictature la plus longue de l’Amérique
Latine, les écrivains n’aient pas eu tendance à se réfugier
dans des territoires imaginaires, où les charmes de
l’esthétique pure et de la sophistication de l’écriture
auraient pu leur servir de rempart pour se protéger d’une
réalité quotidienne atroce.
La génération de Juan Manuel Marcos va rejeter le fatalisme de Jean-Paul
Sartre, qui confine le pouvoir des écrivains à la seule
sphère restreinte des échanges livresques, pour embrasser la
perspective plus ouverte d’Albert Camus dignifiant au sein
de la communauté le métier de l’écrivain qui se met au
service de la vérité et de la liberté. Le Paraguay des
années soixante et soixante-dix, qui sont celles de
l’adolescence et de la formation de Juan Manuel Marcos,
n’exerce nul relativisme destructeur à l’égard des notions
défendues par Albert Camus. Au contraire, les jeunes
écrivains qui atteignent l’âge de la majorité vers la fin
des années soixante deviennent vite conscients qu’il leur
faudra aller plus loin que leurs maîtres, et que les seuls
efforts pour gagner la liberté intérieure par
l’intermédiaire de la culture ne seront plus suffisants, car
les circonstances demandent désormais un engagement plus
actif dans la vie de la cité. Si la devise d’un des maîtres
de la génération des années 1950, le père César Alonso de
las Heras, était ‘la rédemption du Paraguay à travers la
culture’, ses élèves se voient forcés d’en modifier le cours
en direction du militantisme politique et culturel.
C’est d’ailleurs le programme formulé par Emilio Pérez Chaves, l’un des
poètes fondateurs de la revue Criterio, qui
sert de tribune à cette nouvelle génération d’écrivains dont
Juan Manuel Marcos fait partie. Ces enfants ne sont point
des parricides : les écrivains de Criterio révèrent
leurs maîtres de la génération des années 1940, ainsi que
les Espagnols de la Génération de 27 qui leur ont servi de
modèle, et ils ont des relations très fraternelles avec les
écrivains de la génération des années 1950, dont Rubén
Barreiro Saguier est le représentant le plus éminent.
Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, qui incitent
le lecteur à s’interroger sur cette dynamique non
concurrentielle entre les générations : les dimensions
réduites du Paraguay et de sa capitale, Assomption, les
épreuves historiques qui ont marqué ce peuple noble et fier,
et la relative jeunesse de leur culture nationale.
Si la première partie du livre d’Alain Saint-Saëns représentait pour le
public étranger une excellente introduction à la poésie et à
la vie littéraire paraguayenne pendant la dictature
strosniste, la seconde partie s’oriente vers d’inattendues
évocations d’épisodes de l’histoire de ce jeune pays, qui
eut à endurer un nombre conséquent de tragédies depuis sa
création au début du XIXe siècle. Ces références à la
réalité paraguayenne sont essentiellement dues au fait que
l’univers poétique de Juan Manuel Marcos a comme noyau
central le thème de la patrie, dont les vertus et les
disgrâces semblent travailler sans relâche l’imaginaire du
poète. Alain Saint-Saëns, quant à lui, laisse deviner une
fascination semblable pour son pays d’adoption qui lui a
inspiré de nombreuses œuvres littéraires, parmi lesquelles
les poèmes réunis dans le volume Enfances sous les
lapachos, le roman Enfants de la patrie, et la pièce de théâtre écrite en espagnol,
Romeo et
Juliette pendant le Mars Paraguayen.
Il est indubitable que le critique littéraire français a, comme historien,
une connaissance approfondie des épisodes terrifiants de la
Guerre de la Triple Alliance et qu’il lit donc avec une
attention redoublée et une sensibilité toute particulière
les vers que Juan Manuel Marcos dédie à Francisco Solano
López, le héros ambigu de cette guerre sans merci, l’une des
plus meurtrière de l’Histoire Contemporaine. Il est
significatif qu’à une époque où le régime de Stroessner rend
un culte hypocrite et intéressé au Maréchal de la Grande
Guerre du Paraguay pour mieux justifier sa dictature, Juan
Manuel Marcos continue à voir en Francisco Solano López le
héros paradigmatique du Paraguay, et qu’il déclare sans
ambages dans un poème que la patrie naît le jour de la mort
héroïque du Maréchal Président à la bataille de Cerro Corá
le 1er mars 1870. La place centrale que ce
personnage historique occupe dans l’imaginaire paraguayen
est la seule explication plausible pour comprendre le rôle
qu’il joue, d’une part, dans la propagande nationaliste de
Stroessner et, d’autre part, dans l’imagination créatrice
des poètes victimes de ce régime totalitaire.
Patriote exemplaire, Juan Manuel Marcos, qui va connaître les affres de
l’exil, ne s’est jamais vraiment séparé de son pays, car,
comme l’observe avec sagacité Alain Saint-Saëns, il a
toujours emmené sa patrie avec lui. En prenant le chemin de
l’exil, le poète déclare à son pays : ‘Je m’en irai, mais
avec toi/ Manière de rester’. Et le critique d’indiquer la
coïncidence de vue de Juan Manuel Marcos avec d’autres
écrivains paraguayens expulsés de leur pays par le tyran,
dont Rubén Bareiro Saguier qui répond à l’injustice par le
paradoxe – ‘Quand ils te bannissent/Ils t’enlèvent toute la
terre/ Parce que le reste de la terre,/La terre entière,/Ce
n’est même pas un infime morceau/De ta propre terre’– et
Augusto Roa Bastos qui répond avec une pincée d’humour amer
au dictateur, en rappelant une image subtile du journaliste
américain Ambrose Bierce : ‘un exilé […] c’est le citoyen
qui sert son pays en vivant à l’extérieur sans être un
ambassadeur’. Juan Manuel Marcos, lui aussi, a endossé les
habits d’ambassadeur de la culture paraguayenne pendant ses
années d’éloignement en Espagne et aux États-Unis et fait
preuve, selon les mentions précises et suggestives de son
critique, d’une générosité et d’un sens de la reconnaissance
et de l’amitié en tous points remarquables. Alain
Saint-Saëns réussit à peindre un portrait moral convaincant
de Juan Manuel Marcos en recourant à des sources les plus
diverses, depuis les documents d’archives et les lettres
échangées entre les écrivains de l’époque, les entrevues
avec les témoins et intervenants de ces années, jusqu’aux
dédicaces de livres et les nombreux courriels entre le poète
paraguayen et lui.
D’autre part, la vaste culture d’Alain Saint-Saëns lui permet de concevoir
les parallèles les plus fascinants entre les vers du poète
paraguayen et des phénomènes culturels variés, qu’ils soient
musicaux, plastiques, littéraires ou historiques. On peut
mentionner ainsi le rapprochement entre le poème ‘Cinquante
fois cinquante’ et la Cinquième Symphonie de Mahler,
l’analogie entre le ‘Premier poème de l’Ambassade’ et La
persistance de la mémoire de Salvador Dalí, ou la suite
des échos historiques et littéraires que le critique énumère
en partant des vers tirés du poème ‘La résidente’, cette
femme paraguayenne résistante durant la Guerre de la Triple
Alliance : ‘Résidente souffrante, résidente muette./Poursuis
ta longue, vague et rachitique marche’. Elle ouvre les
portes de l’imaginaire sur des marches sinistres qui ont
jalonné l’Histoire, que ce soit la Longue Marche des troupes
de Mao Zedong en 1934-35 fuyant les soldats du Kuomitang,
l’Anabase de l’armée des Dix-Mille dans la Grèce antique
racontée par Xénophon, l’exode vers la France des
combattants républicains et de leurs familles à la fin de la
Guerre Civile Espagnole conté par le propre père de Juan
Manuel Marcos, la retraite de Russie des soldats français de
la Grande Armée napoléonienne, ou bien encore la marche à la
mort des prisonniers des camps de concentration nazis
évoquée par Élie Wiesel dans son roman La nuit.
En certains passages, l’analyse d’Alain Saint-Saëns devient véritablement
électrisante. C’est le cas, par exemple, de la mise en
lumière des liens qui unissent l’une des métaphores
centrales de la poésie de Juan Manuel Marcos, le feu, avec
les traumatismes provoqués par cet élément dans l’histoire
du Paraguay. Depuis l’incendie criminel de l’hôpital de
Piribebuy et le bûcher de la bataille d’Acosta-Ñu pendant la
Guerre de la Triple Alliance en août 1869, jusqu’au sinistre
révoltant du supermarché ‘Ycuá Bolaños’ en août 2004, Alain
Saint-Saëns relève toute une série de bûchers terribles qui
embrasent littéralement l’imaginaire poétique des
Paraguayens. L’auteur de cette monographie sur Juan Manuel
Marcos n’hésite pas à citer même quelques-uns de ses vers
écrits sous l’impact des tragédies brûlantes de son pays
d’adoption pour mieux appuyer sa démonstration.
D’autres moments magnifiques de cette étude à la fois étourdissante et
éblouissante sont liés, d’une part, au commentaire
approfondi chargé d’émotion de la série de cinq élégies
dédiées au chanteur chilien Víctor Jara, sorte de double
fraternel de Juan Manuel Marcos, poèmes qu’Alain Saint-Saëns
qualifie en termes dramatiques et bouleversants – ‘Plus
qu’un hommage du poète paraguayen au poète chilien, les
élégies de Juan Manuel Marcos sont les cinq doigts de la
main gauche de Victor Jara que le bourreau coupa’– et,
d’autre part, au dialogue poétique que le jeune poète
paraguayen Juan Manuel Marcos établit à travers ses poèmes
avec le grand poète chilien et chantre de l’Amérique Latine,
Pablo Neruda. Les bases de cet échange fécond sont leur
irrépressible foi en la liberté et un optimisme à toute
épreuve qui, dans les sombres années de la Guerre Froide et
du Plan Condor en Amérique du Sud, ne peuvent être qualifiés
que d’héroïques. Et le critique littéraire de marteler que
le rôle que Juan Manuel Marcos se conçoit en tant que poète
est bien ‘celui d’un gardien de la mémoire de son peuple,
tant de la geste des ‘héros tombés’ que de ‘l’histoire des
faibles’’.
Alain Saint-Saëns souligne avec justesse, dans la troisième partie, un
trait distinctif paraguayen assez remarquable dans le cadre
latino-américain : la primauté de la musique et le rôle
essentiel joué par le compositeur créateur de la guaranie,
José Asunción Flores, qu’Augusto Roa Bastos déclarait être
‘le Maître de vie’ de tous ses compatriotes. Pour la
génération poétique de Juan Manuel Marcos, la musique en
général et la guaranie en particulier vont remplir une
fonction centrale, car, assumant délibérément le rôle de
paroliers de chansons, ces poètes vont collaborer
directement avec des musiciens en une aspiration commune,
celle de gagner un public plus ample à la cause de la
liberté. Pour ces artistes qui embrassent l’idéal
révolutionnaire de ‘l’homme nouveau’, la liberté est loin de
n’avoir que de vagues significations anti-systémiques comme
ailleurs ; elle représente principalement l’insoumission
totale face au régime dictatorial. Les représailles
encourues par ces jeunes créateurs ne sont pas non plus
négligeables : elles vont de l’expulsion du pays et de la
punition de l’exil affectant Juan Manuel Marcos et beaucoup
autres, jusqu’à la torture brutale et inhumaine et
l’élimination physique sans détour ni retour.
Il est évident, en définitive, que le respect critique et l’admiration
sincère qu’Alain Saint-Saëns professe envers l’oeuvre du
poète Juan Manuel Marcos procèdent aussi d’attitudes
humaines et poétiques que les deux hommes partagent, c’est à
dire l’attention envers leur prochain, la capacité
d’engagement civique, et le rejet de l’injustice et de
l’iniquité. Grâce à la culture impressionnante, la
sensibilité poétique et le talent certain d’Alain
Saint-Saëns, le public de langue française découvrira non
seulement la poésie puissante, noble et belle de Juan Manuel
Marcos, indiscutablement l’une des riches heures de
l’histoire littéraire paraguayenne, mais encore entendra les
propres battements du cœur paraguayen, que seuls les poètes
peuvent capter et transmettre.
Ilinca Ilian
Université de Timisoara, Roumanie
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Paladin de la liberté
d’Alain Saint-Saëns : L’aura poétique de Juan Manuel Marcos.
Alain Saint-Saëns, auteur prolifique, écrivain, traducteur,
poète et dramaturge est l’un des meilleurs spécialistes de
l’oeuvre littéraire de l’écrivain paraguayen Juan Manuel
Marcos. C’est lui qui a traduit en français en 2011, en
l’accompagnant d’une introduction critique, L’hiver de
Gunter, roman-phare du Post-boom latino-américain
traduit à ce jour en plus de trente langues, qui transmit au
monde l’héritage culturel du mouvement dissident paraguayen
sous la dictature du Général Alfredo Stroessner (1954-1989)
(...)
Le critique élucide de manière très
convaincante les processus créateurs qui font de la mort
prématurée du jeune poète René Dávalos une source
d’inspiration pour célébrer le patriotisme, prendre en
compte la réalité de la mortalité de l’homme, et définir la
responsabilité du poète devant son peuple. La connaissance
intime, presque intimiste, qu’Alain Saint-Saëns a de Juan
Manuel Marcos et de sa famille l’aide grandement à éclairer
quelques tropes de la poésie du jeune barde paraguayen,
telles la personnification et la féminisation de sa terre
natale, qui naissent de sa relation amoureuse avec son
épouse et de la souffrance que lui cause l’absence obligée
de celle-ci durant son enfermement dans l’Ambassade du
Méxique au Paraguay (...) Alain Saint-Saëns,
faisant preuve d’une maestria déconcertante, jongle avec une
large gamme de sources primaires et secondaires, alliant
textes littéraires variés et articles académiques
spécialisés à l’analyse de correspondances et d’entrevues
menées le plus souvent par lui-même. Une documentation
méticuleusement choisie, des notes de bas de page abondantes
et judicieuses, une bibliographie imposante, confèrent à Paladin de la
liberté
une densité académique rigoureuse et impressionnante.
En même temps, Alain Saint-Saëns sait donner
vie à son étude en y insérant d’émouvants récits des
péripéties de l’action et de la création de Juan Manuel
Marcos et de ses contemporains.
Combinant analyse académique scrupuleuse,
lecture suivie des textes poétiques et recherche
biographique,
le livre magnifique d’Alain
Saint-Saëns devrait plaire à une large palette de lecteurs.
Il
s’annonce d’ores et déjà comme fondamental pour une
meilleure compréhension de la culture paraguayenne en
général, et de la poésie et de la prose de Juan Manuel
Marcos en particulier.
Enfin, vu que
Paladin de la
liberté
est écrit en français – la langue qui, selon
Pascale Casanova, prévaut
dans La République
mondiale des lettres–
nul doute qu’il n’aille servir de véhicule
pour consacrer et disséminer
l’aura poétique de Juan Manuel Marcos
par-delà les frontières culturelles.
Dina Odnopozova
Yale University, États-Unis d'Amérique
|
Juan Manuel Marcos poète, ou l’art au service de la vérité et de la liberté.
Juan Manuel Marcos, auteur paraguayen du roman fondamental
L’hiver de Gunter, fait partie de ces écrivains qui,
comme William Faulkner et Augusto Roa Bastos, passèrent par
une période substantielle de création littéraire comme
poètes avant d’atteindre leur zénith en tant que grands
romanciers. Sur ce thème, le professeur universitaire et
critique littéraire Alain Saint-Saëns a accompli, avec son
ouvrage intitulé Paladin de la liberté. Juan Manuel
Marcos, poète, un époustouflant travail de recherche
dédié à la période de création plus proprement poétique de
Juan Manuel Marcos qui court de 1969 à 1977 et précède la
genèse de son œuvre romanesque transcendante. Écrite en
langue française,
cette étude, au contenu éminemment riche, nous offre ainsi
toute l’amplitude de la perspective propre à cet univers
culturel. À travers un relevé méticuleux des sources orales
et écrites, Alain Saint-Saëns reconstruit le processus de
formation de la personnalité poétique de Juan Manuel Marcos,
ses premières influences, son entourage intellectuel et son
militantisme culturel. Les citations de bas de page
démontrent la rigueur scientifique impeccable de l’approche
d’Alain Saint-Saëns, et ses traductions de textes d’auteurs
espagnols et latino-américains dans sa propre langue
révèlent une connaissance intime et une maîtrise approfondie
de la langue espagnole (...) L’étude magnifique d’Alain
Saint-Saëns, historique, littéraire, musicale et
iconographique est appelée à faire date : non seulement elle
illumine et enrichit la lecture d’une œuvre poétique variée
et multiforme, mais elle élève surtout son auteur Juan
Manuel Marcos à sa juste place au panthéon des poètes
paraguayens contemporains et éclaire définitivement le sens
de son combat pour la vérité et la liberté.
Juan
Enrique Fischer Ancien Élève de l’École des Sciences Politiques de Paris, Ex Ambassadeur de l’Uruguay au Paraguay
|
Les
couloirs du souvenir. Le poète Juan Manuel Marcos, paladin de la liberté.
Au
moment de commencer à écrire mon commentaire critique sur le
livre d’Alain Saint-Saëns, Paladin de la liberté. Juan
Manuel Marcos, poète, je comptais bien garder une
attitude neutre et objective, mais très vite, je sentis
l’émotion m’envahir alors que j’étais de nouveau transportée
à une époque dont j’avais parfaitement connu les
protagonistes. Le récit d’Alain Saint-Saëns était si réel
que je me surpris même à penser par moments que l’auteur
avait vécu les événements qu’il décrivait de manière
tellement précise.
C’est ainsi que je commençai à suivre les traces du ‘paladin
de la liberté’, Juan Manuel Marcos, depuis sa prime
jeunesse, surtout sous sa facette de poète, et ce, dans
divers milieux : les salles de classe du Collège
Saint-Joseph d’Assomption et de sa prestigieuse Académie
Littéraire, puis la Revue Criterio et l’ambiance
créatrice du Nuevo Cancionero. A chaque instant de ma
lecture, s’ouvraient devant moi des portes invisibles
desquelles surgissaient des personnages inspirateurs,
compagnons de route du poète, dont les noms parlent encore
aujourd’hui à la sensibilité d’une génération de Paraguayens
qui souffrit dans la chair ou dans l’esprit, et parfois les
deux, d’une époque si néfaste pour la liberté.
Dans les couloirs du souvenir, je pus ainsi croiser le Père
César Alonso de las Heras, René Dávalos, Maneco Galeano,
Josefina Plá, Elvio Romero, Augusto Roa Bastos, Rubén
Bareiro Saguier, Emilio Pérez Chaves et combien d’autres. Je
me souviens encore, comme si c’était hier, des longues
conversations partagées avec Emilito sur Paris, la ville
qu’il admirait tant !
Plus tard viendront pour Juan Manuel Marcos les jours de
prison, la torture, l’exil et mille autres circonstances. A
un moment donné, Alain Saint-Saëns nous fait part avec
bonheur de la succession de contacts enrichissants du poète
paraguayen avec les oeuvres de poètes universels (l’Espagnol
Miguel Hernández, les Chiliens Pablo Neruda et Víctor Jara,
pour ne citer que ceux-là), qui donnent lieu à une sorte de
jeux de miroirs absolument fascinant avec ses propres
poèmes. Tout en suivant l’itinéraire de Juan Manuel Marcos,
Alain Saint-Saëns sait admirablement capturer, à travers son
livre, l’esprit même d’une époque pendant laquelle le régime
dictatorial, n’ayant pu parvenir à soumettre les
intellectuels à son hégémonie, chercha par tous les moyens à
les mettre sous l’éteignoir.
La dictature strosniste au Paraguay
causa une grande souffrance même chez ceux qui n’eurent pas
à subir la torture dans leur chair, ni à vivre l’exil ou à
rencontrer la mort. Il n’était certes pas facile pour la
jeunesse d’alors d’essayer de mener une vie un tant soit peu
‘normale’, tout en sachant qu’à ses côtés les droits de
l’homme étaient sauvagement piétinés. C’est par
l’organisation d’événements culturels, comme les festivals
Mandua’ra à l’Alliance Française d’Assomption par exemple,
véritables forums d’opinion, que put se manifester l’énergie
contestataire de la jeunesse intellectuelle, de laquelle
Juan Manuel Marcos fut l’un des piliers les plus notoires.
Tout cela peut paraître bien loin maintenant. Or, une autre
menace nous guette, tout aussi dangereuse, qui est l’oubli.
Le livre captivant d’Alain Saint-Saëns réussit le tour de
force de restituer pleinement ce passé récent. L’on ne peut
qu’espérer qu’il suscite beaucoup d’autres initiatives
similaires, afin que la mémoire de ces jours envolés ne
périsse point, et pour que jamais plus nous ne tombions
entre les griffes d’un régime comme celui d’Alfredo
Stroessner qui s’acharna à nous confisquer la liberté, mais
qui rencontra une très dure résistance chez des
intellectuels et artistes de la taille d’un Juan Manuel
Marcos.
Cristina
Boselli Professeure de Langue et Littérature Françaises, Institut Supérieur des Langues, Université Nationale d’Assomption,
Paraguay
|
ALAIN SAINT-SAËNS
a
traduit de l'espagnol au français le
roman de Juan Manuel Marcos,
El invierno de Gunter.
Le
livre a été publié en 2011 par les
Editions L'Harmattan à Paris
sous le
titre,
L'hiver de Gunter.
'Le poète, dramaturge
et historien francais Alain Saint-Saëns, en une
remarquable traduction, a su allier élégance stylistique
et richesse verbale tout en restant fidèle au texte
qu'il transposait admirablement d'une culture à l'autre.'
Ruben Bareiro
Saguier,
Ancien Ambassadeur du Paraguay en France, Commandeur de la Légion d'Honneur.
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Alain Saint-Saëns
est traducteur en
plusieurs langues,
poète (France,
terre lointaine. Poèmes de l'errance en 2011,
entre autres recueils),
dramaturge et romancier.
Sa traduction de l'anglais des nouvelles de l'écrivaine
américaine Barbara Mujica,
Loin, très loin de la maison de ma mère,
a été publiée par les Presses du Nouveau Monde en 2005. Sa
traduction de l'espagnol du roman de l'écrivain paraguayen Juan
Manuel Marcos,
L'hiver de Gunter, a été publiée par les Éditions L'Harmattan en 2011. Sa
traduction du portugais à l'espagnol du recueil de poèmes du
poète brésilien Aleilton Fonseca,
Un río en los ojos,
a été publiée en 2013 par University Press of the South aux
États-Unis. Alain Saint-Saëns vient de publier un roman en
espagnol,
Hijos de la Patria,
qui sortira en français et en portugais en 2016. Le texte de
sa nouvelle pièce de théâtre,
Romeo y Julieta en el Marzo Paraguayo,
sera publié en octobre 2015 et présenté durant la Première
Biennale Internationale d'Assomption également en octobre
2015. Il achève la traduction de l'espagnol et l'édition
critique de l'oeuvre poétique complète du poète paraguayen
Ruben Bareiro Saguier (1930-2014),
Paroles au creux de mes mains,
qui sera publiée par les Presses Universitaires du Nouveau
Monde en 2016. Il prépare, en co-direction avec le conteur
gabonais Ludovic Obiang, un recueil de nouvelles,
Le dîner des ogres. Contes et
nouvelles sanguinaires,
à paraître aux Presses Universitaires du Nouveau Monde en
2016. Alain Saint-Saëns aime à se définir comme médiateur de
cultures et polisseur de mots.
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